Carnet du Malawi n° 18
Mayaka, 30 avril 2010
Fables malawiennes
Je ne résiste pas à vous livrer quelques une des fables et contes malawiens qu'on n'hésite pas à vous raconter, pour peu qu'on en fasse la demande ! Bon nombre d'entre eux font référence au lièvre (Kalulu), animal très réputé pour son adresse, sa ruse, sa rapidité. Il paraît en effet que les malawiens considèrent le lièvre comme un animal très difficile à chasser. En langue chewa, le terme kalulu représente également une personne maligne et rusée et est utilisé comme prénom (il y en a un dans mon équipe de foot). Je vous livre notamment la version malawienne du lièvre et de la tortue ou encore celle de la tortue et du singe (parfaite pour moi dont le métier ici est notamment de promouvoir l'hygiène !).
Mais place aux histoires !
Le lièvre et la tortue ("Kalulu ndi Kamba")
Un jour le lièvre Kalulu, toujours plein d'imagination, propose adroitement un jeu à la tortue Kamba :
"Chère amie ! Nous nous connaissons bien et savons fort bien que nous sommes tous les deux très forts et résistants ; alors faisons un jeu : amusons nous à nous cuisiner l'un l'autre !"
Après un moment de réflexion Kamba, d'un air entendu répond :
"Et bien… c'est d'accord ! Mais alors cuisinons-nous pour de vrai. Je me porte même volontaire pour être cuisinée en premier !"
Kalulu n'en croit pas ses grandes oreilles ! Comment ?! Kamba a acceptée ma proposition farfelue ! Quel ne va pas être mon festin !
Sans plus de tergiversations, Kalulu prend alors une grande marmite, y met de l'eau, et allume un bon feu pour la faire bouillir. Et sans attendre, Kamba saute dans le chaudron, que Kalulu couvre d'un bon couvercle. Notre lièvre déjà, s'imagine un festin qui le fait pleurer de tendresse !
Après avoir laissé bouillir un petit moment, Kalulu soulève le couvercle et… quelle n'est pas sa surprise de voir Kamba sauter hors de la casserole ! La maligne s'était en effet recroquevillée au fond de sa carapace et avait attendu le temps qu'il fallait !
Tout de même échaudée, Kamba, sans plus attendre dit à Kalulu :
"C'est ton tour maintenant ! A moi de te cuisiner !"
Evidemment embarrassé, Kalulu feint :
"- Et bien… tu sais… aujourd'hui je me sens un peu patraque… remettons donc ça à plus tard, un autre jour !
- Non non, je dois te cuisiner aujourd'hui ! C'était ce qui avait été convenu !"
Alors, se sentant de plus en plus mal, la tête entre les pattes, les oreilles tombantes, Kalulu s'enfuit, et cours encore !
Le lion et le lièvre (Mkango ndi Kalulu)
Autrefois, quand il n'y avait rien sur la Terre sauf les animaux, un seul roi régnait dans le monde. Il s'appelait Mkango (le lion). Ce roi était très puissant et du fait de sa puissance, il mangeait les autres animaux quand bon lui semblait. Le mécontentement grandissait donc parmi les autres animaux mais ceux-ci ne pouvaient rien faire, saisis d'effroi.
Un jour, Kalulu le lièvre pris son courage à deux mains et alla chez le roi. Quand il fut arrivé, Mkango sorti de sa maison pour le rencontrer. Kalulu fit le salut au roi puis lui dit : "Maître, j'ai de la peine de vous annoncer qu'il y a un autre roi dans le territoire qui prétend être plus puissant que vous. Il vous défie donc en combat pour qu'il y ait un vainqueur".
Quand Mkango entendit ces mots, il rugit de fureur et répondit : "Dis à cette personne que j'exige de la voir avant le coucher du soleil".
Kalulu partit en courant, aiguisa des lances et les mis dans un étang où il y avait beaucoup d'eau. Puis il courut chez Mkango et lui dit : "Maître, j'ai transmis votre message. L'autre roi dit qu'il n'a pas d'armes mais il veut que le combat ait lieu dans l'étang".
Quand Mkango entendit ces mots, il partit tout de suite à l'étang. Une fois arrivé, il regarda dans l'eau, vit le reflet de son visage et il pensa que c'était son adversaire mais les lances le transpèrcèrent. Il mourût immédiatement.
Quand les autres animaux apprirent l'exploit de Kalulu, il y eu une grande jubilation et afin de témoigner leur reconnaissance, les animaux décidèrent de mettre des cornes sur sa tête. Or ils firent tout pour fixer les cornes, mais à chaque fois, elles ne tenaient pas. A la fin, ils finirent par tirer sur les oreilles de Kalulu. Voilà pourquoi, depuis, Kalulu a des oreilles très longues.
Le singe et la tortue (Kamba ndi Nyani)
Kamba la tortue avait un ami singe qui s'appelait Nyani.
Un jour Nyani invita son ami Kamba chez lui en demandant à sa femme de préparer un véritable festin. Lorsque Kamba arriva, son ami Nyani l'invita à se mettre à table et lui demanda de s'asseoir sur une chaise. Kamba bien embarrassé par sa carapace essaya bien par tous les moyens de s'asseoir, mais rien y faisait, à chaque fois il tombait sans avoir eu le temps de toucher un seul des mets succulents qui lui faisent de l'œil ! Alors, honteux et affamé, Kamba rentra chez lui sans avoir avalé la moindre bouchée.
Après quelques jours, Kamba invita son ami Nyani à son tour. Avant l'arrivée de celui-ci, Kamba brûla la brousse entourant sa maison et demanda à sa femme de préparer un repas de roi, pantagruélique. Quand Nyani arriva à la maison, on lui demanda d'aller se laver les mains à la rivière. En rentrant de la rivière, Nyani s'aperçut que ses mains étaient sales. Il retourna alors une nouvelle fois à la rivière, se lava encore plus consciencieusement les mains et repris le chemin de la maison de Kamba. Cependant, cette fois ci, il se rendu bien compte qu'il lui était impossible de marcher sur ses deux pattes arrières pour ne pas salir ses mains. Il décida alors de rentrer chez lui, honteux, affamé, et sans même dire adieu à son ami.
Une excursion au lac
Au mois de mars, un peu pour nous rattraper de ne pas avoir organisé de fête particulière à Noël avec nos équipes et aussi pour faire quelque chose d'un peu plus original et sympathique qu'un repas au bureau, Daniel et moi avons organisé une excursion au lac Malawi pour toute l'équipe et leurs conjoins et conjointes. Ceux qui ont bien voulu participer (plus de quarante personnes) se sont montrés enthousiastes à découvrir l'emblème de leur pays souvent pour la première fois de leur vie.
Daniel et moi nous sommes aussi beaucoup amusés, dans cette ambiance sympathique, à faire les tours opérateurs pour des touristes malawiens au Malawi ! Le principal souvenir ramené par nos touristes en herbe a été du poisson frais (chambo, poisson tigre) notamment accroché aux essuie-glaces pour sécher sur le chemin du retour !
Mon coordinateur Trinity Lupapa, animateur de la journée (c'est d'ailleurs aussi toujours lui l'animateur spontané de nos réunions d'équipe) nous a écrit une "lettre ouverte" de remerciement, dans son anglais coloré. Je vous en traduit un extrait qui m'a bien plu ! (note : Zomba se trouve à au moins 3 heures de route du lac).
Lettre ouverte aux responsables de programmes Hydro et Agro
Daniel et Clément, au lac il y a différentes sortes d'oiseaux, mais dans cette lettre ouverte que je vous écris, j'utiliserai l'un d'entre eux en particulier, appelé nkhwazi. Nkhwazi est un oiseau ressemblant à l'aigle et qui se nourrit de poisson. Ainsi, pour attraper les poissons, les nkhwazis s'envolent haut dans le ciel et plongent alors brusquement droit dans le lac, tels des cailloux. On ne trouve les nkhwazi qu'au lac et pas ailleurs.
Daniel et Clément, si en particulier j'étais un nkhwazi et que, par mégarde, j'étais né à Zomba, alors je vous le dis : au moment où vous me montreriez le lac pour la première fois, je n'accepterais plus jamais de revenir dans ma région natale. Je crois également que si toute l'équipe était nkhwazi ils n'accepteraient pas non plus de quitter le lac après l'avoir découvert ; parce que le lac est bon. Jusqu'à ce mémorable vendredi 19 mars 2010, je ne savais pas pourquoi les nkhwazi restent toujours près du lac, nagent et mangent du poisson. Vraiment, si j'étais un nkhwazi, je m'envolerais pour retourner à mon lac. […]
Trinity Lupapa,
The Leader of the Delegation.
/https%3A%2F%2Fassets.over-blog.com%2Ft%2Fcedistic%2Fcamera.png)