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Carnet du Malawi Aperçus du Malawi

Carnet du Malawi n° 20

Clem

Mayaka, 19 septembre 2010

Initiations et femmes
La fin du mois d'août est une période de rites initiatiques pour les jeunes filles. Dans chaque village, sur plusieurs jours, les jeunes filles de 8, 9 ans jusqu'à 14-15 ans sont isolées de leur famille et suivent une série d'initiations menées par les personnes qualifiées (des femmes plus âgées). Sans savoir les détails de ce qui se discute et se fait, j'ai pu entendre les percussions qui rythment les rites de jour comme de nuit. Apparemment, plusieurs thèmes sont abordés selon l'âge. Les plus âgées discutent sexualité et toutes des rôles et taches attribuées aux femmes. Il ne s'agit pas d'excision.

La société malawienne est une société où rôles et responsabilités sont encore très différenciés entre hommes et femmes, particulièrement en zone rurale. Si les travaux agricoles ou la vente sur les marchés sont partagés entre hommes et femmes, les taches ménagères elles, sont encore essentiellement l'apanage des femmes. On peut citer en particulier les corvées d'eau, les corvées de bois, le ménage, la lessive, le soin des jeunes enfants et la cuisine. Particulièrement dans la région sud, plus libérale d'un point de vue matrimonial, les mères isolées ne sont pas rares. Et la vie n'est pas facile pour elles. Pour autant, les femmes ont du pouvoir, en particulier foncier, et il n'est pas rare de rencontrer une femme chef, même si cette responsabilité est majoritairement masculine.
Mais il faut reconnaître que les femmes malawienne sont incroyablement fortes pour supporter toutes les taches qui leur incombent. Et elles y acquièrent une technique et une force remarquable, comme pour porter l'eau (20, 30, 35 L) tous les jours sur la tête, généralement sur plusieurs centaines de mètres, sans perdre une goutte. Tâche non aisée, croyez moi, pour l'avoir testée !

Rites funéraires
Au-delà des célébrations religieuses chrétiennes ou musulmanes, d'autres rites funéraires ancestraux sont toujours pratiqués. Tel celui-ci : à la mort de la personne, sa famille rassemble ses objets vraiment personnels et les brûlent sur un monticule de pierre à l'extérieur de l'enclos familiale (mais non loin). Le temps passant, l'autel improvisé est maintenu et nettoyé. Je n'ai pas investigué pour savoir s'il y a des exemples d'acculturation dans le domaine et si l'on trouve ces autels parfois surmontés d'une croix, mais c'est tout à fait possible.


Exode rural, migrations et retour
Alors que la majorité de la population mondiale vit aujourd'hui dans les villes (ou les bidonvilles), au Malawi l'exode rural permanant reste relativement faible. Certes les grandes villes grossissent, mais à un rythme qui n'a rien à voir avec beaucoup des capitales des autres pays africains. Aujourd'hui encore, près de 80% de la population malawienne vit en zone rurale. Parmi les causes de ce relativement faible exode rural citons les loyers hors de prix près des centres d'activité des villes ainsi que la culture paysanne soutenue toujours activement par l'Etat.

Cela étant, dans le sud du Malawi en particulier, les migrations pour quelques semaines, quelques mois ou quelques années sont courantes. Il y a bien sûr le "ganyu", lorsque les hommes partent plusieurs semaines travailler dans les exploitations des plus riches, que ce soit au Mozambique ou au Malawi. Mais il y a aussi d'autres familles qui émigrent quelques temps dans une autre région ou à la ville. Il n'est pas rare ensuite qu'elles reviennent au village, sans forcément être devenues plus riches et qu'elles aient alors à reconstruire leur maison laissée à l'abandon pendant le temps où elles étaient parties.
On peut considérer les dynamiques de peuplement à une échelle plus fine. Sans être de vraies villes, des localités comme Mayaka comportent déjà plusieurs milliers d'habitants. Malgré la forte densité de population, ce ne sont pas des villes dans la mesure où l'habitat reste éclaté et avec la plupart des familles qui cultivent au moins un bout de champ. Il n'y a pas non plus de services centralisés de type assainissement ou accès à l'eau. Malgré tout ce sont des centres rassemblant un certain nombre de facilités (électricité, marché, centre de santé, école, commerces, boites postales, station essence artisanale, artisans (soudeurs, menuisiers et réparateurs en tous genres). Et cela attire. Ainsi Mayaka grossi à vue d'œil. Les propriétaires de parcelles jouxtant le centre de Mayaka n'arrêtent pas de construire pour louer aux nouveaux arrivants ou accueillir de la famille plus éloignée. Mon voisinage se construit et entre chez moi et le bureau, d'immenses fours à brique ont fonctionné à plein régime ces dernières semaines. La fabrication des briques est artisanale : une parcelle de champ est décapée, la terre partiellement argileuse est malaxée dans l'eau puisée à la rivière, puis les briques sont moulées dans de petits moules en bois et mises à sécher au soleil. Les briques séchées sont ensuite empilées en une ou moins longue travée selon la quantité. Perpendiculairement à la travée, de petits tunnels sont conservés à la base. Une fois les briques recouvertes d'une couche supplémentaire de sol, des troncs d'arbres insérés dans les tunnels alimentent un feu nourri pendant au moins 24 heures. Si le nombre de brique est important (10000 ou plus) cela mobilise beaucoup de monde. Lors de la cuisson, les participants boivent, chantent et jouent de la musique toute la nuit pour se tenir éveillé et alimenter le feu.

Feux
Les feux sont partout en cette saison sèche : pour cuisiner comme d'habitude, pour cuire les briques ou pour brûler les résidus de culture. Mais ce n'est malheureusement pas tout. Les chasseurs de souris (qu'on nous propose grillées en brochettes) ou la négligence allument moult incendies de brousse qui se propagent bien souvent sur les collines et les montagnes. Le problème n'est pas anodin et participe activement à la déforestation. En effet si les grands arbres résistent tant bien que mal, les jeunes pousses par contre n'ont guère de chance de survivre. Même si globalement on voit ce genre d'incendies partout, certains villageois ou certains villages ont conscience du problème. Outre les initiatives individuelles pour réaliser des coupe-feux en débroussaillant, la question du droit foncier au niveau des collines est aussi importante. S'ils sont maîtres de la gestion forestière, il semble que les villageois aient tendance à mieux protéger leur ressource.


Infrastructures
Des logiques contradictoires s'observent pour les infrastructures, en particulier routières. Alors que certains programmes de l'Etat mobilisent à faible coût des centaines de villageois pour bricoler des pistes à peu près carrossables, d'un autre côté les plus gros investissements se font pour les routes goudronnées déjà existantes. Ainsi, les travaux pour élargir le tronçon Zomba-Blantyre, loin d'être engorgé (je n'y ai jamais vu d'embouteillage), ont commencé. Et la première étape a consisté à exproprier les occupants des maisons trop proches puis à couper beaucoup des magnifiques arbres centenaires de Zomba. Les gens disent, probablement à juste titre, que ça ne sert qu'à ce que ces messieurs les ministres puissent rouler plus vite et avec moins de bosses. Alors que pendant ce temps d'autres axes vitaux en piste deviennent vite impraticables en saison des pluies…


Mariage
Depuis mon arrivée au Malawi, déjà trois personnes de mon équipe ont célébré leur mariage et m'ont invité à la fête ! A l'instar de ce qui se passe en France, chaque mariage a ses spécificités propres aux mariés (ou à leurs familles), mais aussi des constantes.

Parmi les spécificités notons la partie religieuse fortement dépendante non seulement de la religion, mais également de la mouvance (en particulier pour les chrétiens). Ou encore l'origine et l'ethnie des mariés avec la présence de certains habits, danses ou musiques spécifiques.
Et parmi les constantes, le repas offert aux convives et les animations après la cérémonie religieuse. Ces animations sont conduites par un "maître de cérémonie", généralement fort loquace, équipé d'un micro et d'une liste des amis ou de la famille susceptibles de procéder à une donation pour les mariés.
Au rythme de tubes de musique Zambienne (très prisée au Malawi), chaque groupe de personnes (famille, amis, collègues de travail, voisins…) est invité tour à tour à venir danser et jeter ostensiblement dans une corbeille de petites coupures de monnaie devant l'assistance et les mariés. Entre chaque tour les billets sont rassemblés et comptés par un petit comité très organisé. Finalement, ce qui chez en France se fait de façon intime ou confidentielle, est au Malawi affiché de façon ostentatoire. Evidemment, en tant que mzungu j'ai à chaque fois été très attendu pour cette prestation, tant pour le fait que cela donne de la fierté aux mariés d'avoir un convive mzungu, que pour ma capacité à leur donner de l'argent. Et la première fois, j'avoue n'avoir pas été très à l'aise au moment de distribuer l'argent !
Pour le troisième mariage, avec mon employée et les habitués de ma maison, nous avions décidé de composer et répéter des danses et chants en chichewa. Parmi ceux d'entre vous qui connaissent mes talents dans ce domaine, il y a de quoi rire bien sûr ! Malgré tout je me suis volontiers prêté au jeu et le jour J ai pu amuser les quelques centaines de personnes rassemblées. Il semblerait que l'assistance ait fortement apprécié quoi qu'il en soit de la qualité musicale !

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